COORDINATION
DES FACULTÉS ET DÉPARTEMENTS DE PHILOSOPHIE
16 OCTOBRE 2020
ATTENTAT CONTRE LE CORPS ENSEIGNANT
Ce
vendredi 16 octobre 2020, à proximité d’un
collège deConflans Sainte-Honorine, a eu lieu un attentat
sur la personne de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, assassiné pour avoir
fait un cours sur la liberté d’expression.
Cet
assassinat a été renforcé d’un
outrage
au corps par décapitation,
exposé publiquement sur l’internet.
Par l’anéantissement de la vie et de l’intégrité corporelle
de notre collègue, un message sanglant est adressé au corps
enseignant, et, au-delà, au corps social tout entier. La terreur suscitée en chacun de nous vise
à déclencher un mécanisme d’autocensure, fondé sur la peur individuelle. Il s’agit, par extension progressive, d’imposer une loi
non républicaine à une nation laïque qui ne reconnaît pas de loi religieuse. L’attaque d’un
professeur, responsable de la formation des jeunesgénérations, vise à accélérer ce processus pour
l’étendre en totalité à notre société.
Les
philosophes des universités, par leur Coordination, appellent
à résister à ce mécanisme d’intériorisation de la terreur, comme Samuel Paty en a montré l’exemple de son vivant. Nous exprimons notre
solidarité envers tous nos collègues enseignants
et envers toutes les personnes
attaquées par les fous de Dieu, quels qu’ils soient. Aujourd’hui
islamiste radicale, cette violence a traversé
ou traverse encore d’autres confessions, et
doit être combattue
avec constance et égalité. Le fanatisme, que la philosophie a
affronté au fil de son histoire, doit se
voir opposer raison,
discernement et courage.
Les
grandes déclarations et les cérémonies solennelles, malgré leur utilité cathartique, ne suffisent pas. Une réflexion profonde doit être engagée au sein de l’éducation
nationale quant aux politiques qui l’ont régie
depuis des décennies.
L’attentat de ce vendredi a trouvé son impulsion dans la contestation abusive et ensongère d’un cours par
des parents d’élèves, manifestant leur volonté d’immixtion dans l’activité
professorale. Nous demandons instamment aux autorités publiques
de faire le point sur les dérives à bas bruit qui ont permis d’aboutir à une telle atteinte.
Depuis plusieurs décennies, l’implication des parents
dans la vie des établissements scolaires s’est
muée lentement mais sûrement en une remise en cause ouverte ou larvéede l’autorité du
savoir et des professeurs, donnant lieu trop souvent à des violences verbales ou physiques envers les enseignants. Ce mouvement s’est pour
l’instant arrêté à la porte des
universités, sans qu’on puisse jurer qu’il n’y entrera jamais. C’est sur le savoir, sur
son autorité paradoxale, étrangère au dogmatisme car mise méthodiquement à l’épreuve d’une autocritique rationnelle, que doit se
fonder la pratique professorale, et sur rien d’autre. Il n’existe aucune autorité sacrée, aucun
objet interdit. Les philosophes
l’ont affirmé au cours de leur histoire, parfois au péril de leur vie, et ils ne
cesseront de le réaffirmer, autant que
nécessaire.